mercredi 9 avril 2008

Plan B




On kiffe zoner. Comment tu le formules dans un CV ? Comment tu justifies à un recruteur le trou entre 2005 et 2008 ? En lui disant que tu as hésité à marquer « blocks chromes sur autoroute » ? Comment tu lui expliques que la vie pour toi c’est manger des gâteaux et les noter, faire le tour de la gare voir si i’a des trains qui tournent et si les gitans sont encore au cul-de-sac ? Pour que ça sonne entreprise, corporate, comment tu t’y prends ? Quels mots tu choisis ?

Une chanson, un beau tag, une blague à une caissière ça suffit à nous faire une journée. On peut se demander quand est-ce qu’on vit parce j’ai l’impression de raconter des souvenirs tout le temps, 24h sur 24. Mais on les a vécu en vrai à un moment ces souvenirs. Ils étaient réels. C’était des passages de nos vies, des évènements qui ont duré.
Alors il y a toujours l’option « je suis artiste », qui peut être placée de temps à autres, qui passe bien, « oui je fais des toiles, le marché s’est considérablement développé ces dernières années », et là le mec te parle d’un article qu’il a lu dans je ne sais quel canard, et tu fais « ouais ouais » comme si tu en avais quelque chose à foutre de son avis de merde.
Le problème c’est qu’on en a rien à foutre de l’avis des gens. On est dans notre truc, on a plus envie de l’expliquer, ni d’écouter la pseudo-adhésion à cet « art » de patrons de PME qui roulent tous en Audi et portent des North Face en croyant qu’ils sont trop « street-wear ».

On est résigné et en même temps on explose à l’écoute d’un journaliste qui parle de Matt Pokora et Timberland comme des « rois du hip hop mondial ». Putain ça s’saurait si Timberland faisait du hip hop. Enfin ça s’saurait pas, sauf par les mecs qui en font. A partir du moment où les médias en parlent c’est que ce n’est plus du hip-hop. Les médias ne veulent pas du hip hop. Ou alors de son image d’Epinal. Avec survêt Adidas, black-blanc-beur qui se tiennent par la main pour faire une vague et graffiti sur planches en bois qu’on démonte dés qu’on a fini de tourner l’émission.

Mais nous le hip-hop c’est du réveil au coucher, du coucher au réveil. Le hip-hop c’est un tout. Va peut-être falloir que les médias et les gens en général se rendent compte que ça fait 40 ans qu’elle existe cette culture. Parce qu’elle a réuni la danse, la peinture et la musique. T’en connais beaucoup des mouvements qui ont fédéré autant que le hip-hop ? Autant de tendances, autant de personnes différentes ? I’a quoi un renoi dans un concert de rock ? Et encore un gay. La tektonik c’est qui ? C’est pas des mecs de quartier ou des centre-villes. C’est les exclus de toutes les autres cultures. Les invisibles, ceux qui avant d’enrichir l’industrie du gel se faisaient couper les cheveux par leur mère sur la table de la cuisine, les gens dont tu ne te souviens plus du nom sur la photo de classe l’année d’après.
Le hip-hop c’est le meilleur psychologue, le meilleur cacheton, la meilleure drogue.

Tout-à-l’heure on se baladait avec un pote et on a croisé deux fois une vague connaissance qui a décroché. Dzing. Grillage de neurones. « Tu sais quoi ? Ils veulent me mettre sous tutelle ! ». Alors pour résumer c’est comme d’habitude : histoire de cœur qui finit mal. Bah ouais. Alors ok c’est facile à dire mais ça part toujours des meufs. C’est toujours les meufs qui retournent la tête des mecs. Pour preuve je ne connais pas une seule fille qui m’a déjà dit l’équivalent. Un pote sur deux, et encore j’arrondis histoire de pas dramatiser, est réellement fou, assimilé ou détraqué affectivement et socialement à cause d’une fille. Une histoire, une seule, du genre grosse histoire, souvent la seule fois où le mec a été amoureux. Je ne nous décharge pas d’avoir participé à faire capoter l’histoire(ah oui j’avais pas encore notifié mon appartenance à la mauvaise moitié du groupe, j’en fais partie oui je vise un poste de cadre je fais mon chemin discrètement)

Après ça c’est pas la peine de venir taper à la porte avec des yeux de biches et des fesses rebondies, on n’est plus disposés à tomber dans le piège. Ca peut arriver. Mais c’est rare. Renseignez-vous.

Après i’a deux niveaux dans le groupe des tarés.

Ceux qui sont direct à fond dedans, HP, cachets, et démarche sur ressort. Et ceux qui luttent. Qui ne veulent surtout pas aller voir un psy, et qui du coup s’enfoncent dans leur marasme. Promettent de changer, qu’on ne les y reprendra plus, qu’ils feront des efforts. Les efforts quels sont-ils : faire en fonction de l’autre(pas juste mettre une mix-tape de JR Ewing à fond au réveil mais expliquer pourquoi on en a besoin et pourquoi les titres sont vraiment bien et accessibles même pour une fille qui va au concert de Calogero), lui amener de la surprise, de l’inattendu(pas la JR Ewing n°2 en original même si elle a dit bien aimer le rap après avoir baissé au minimum et être retournée se sécher les cheveux l’autre matin), la sortir(pas à une soirée JR Ewing où t’envoies les filles valser dans les tables en verre parce que JR passe Shook ones part 2 et que les UV bousculent un peu)(Netra on t’as vu pousser comme un gamin et t’écarter), lui offrir des fleurs(une fille c’est comme ta mère, ce sera une mère donc fais les rapprochements adéquats), parler avec ses copines, lui faire toute la vie tout ce que tu as fait la première semaine pour la serrer(pas besoin de liste toi-même tu sais)(entre mecs on s’affiche pas comme ça même si on sait tous ce qu’on a fait et que c’est contraire à nos principes de thugs), etc.

Ceux qui sont dedans, dans un sens tant mieux pour eux, ils captent plus rien. Ils parlent à leur ombre(voir leurs ombres vu qu’en ville i’a plusieurs sources de lumière qui se croisent, alors là c’est la réunion au sommet entre les différentes voix c’est grandiose).

Ceux qui touchent la folie du bout des orteils, qui sont au bord du précipice, qui regardent dedans en se penchant, hésitant, eux vivent un calvaire. « J’fais quoi j’y vais ?.. »

Mais être fou c’est le bonheur. Parce qu’on ne se soucie que de peu de choses.

On étaient tristes quand ils ont retiré sournoisement et sans préavis les Pépito Doubl’choc de la vente.
On préfère pas imaginer le jour où ils retireront le dernier métro blanc à ligne rouge de la circu’.

Par contre trouver un travail, la situation au Tibet, l’attitude de Michel Fourniret à son procès…on ne s’en préoccupe guère. On subsiste, on kiffe voir des ins en civil qui chicote un manifestant, une bonne punch-line de Mimi….

J’ai un pote qui a dansé sur les cadavres de ses victimes dans la région de Sedan. Il l’a su en voyant les images des fouilles à la télé. Plus de détails au prochain épisode, on fera un spécial télé-réalité.

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