mercredi 24 décembre 2008

"I burn baby burn like Disco Inferno"

Je ne saurais dater le jour, plutôt la nuit, au cours de laquelle je me suis rendu compte que le lampadaire de mon coin de rue, dont la lumière filtre dans le jour que je laisse à mon volet, agissait sur moi comme une veilleuse sur un enfant.

Depuis quelques mois il aiderait même à ma photosynthèse.

Je ne dors plus depuis maintenant 4 ans.

Depuis, depuis, ma vie est datée et archivée façon Stasi. Avec l'aide d'un ou deux ami(e)s biographes, malgré eux.

The Storm d'OGC succède comme un velours à Gymnopédie N°1 d'Eric Satie, symbole d'un quotidien yo-yo.

Mes matinées sont vos nuits. J'ai, parmi d'autres noms de plumes, choisi il y a presque dix ans, celui de L'Horloger. "Celui qui remet les pendules à l'heure" était sa première vocation. Evocation même. Depuis il appelle avec un humour noir mon déreglement biologico-social.

J'ai une vie plus rugueuse que l'A25. Pour ceux qui l'ont emprunté au moins une fois en tant que conducteur, ils savent que si l'ont se cale dans les rails creusés depuis x années par le flot de poids-lourds, sur la voie de droite, on peut rapidement effectuer une sortie de route.

Je suis multi-voyageur. Pieds, vélo, voiture, train, m'ont amené dans nombres d'endroits où aucune raison ne me poussait à me rendre. L'aventure, à mon échelle, à ma manière.

Je n'ai jamais suivi la file, plutôt du genre à doubler et à tourner à droite quand on me disait d'aller à gauche.

Petit j'ai même effectué un voyage dans l'espace, sur la Lune. Une partie de moi est restée là-bas, telle un camp de gitan sédentarisés.
C'était en 1987. Je n'y ai d'ailleurs vu aucune trace d'un quelconque passage antérieur humain.

J'ai cette capacité de voler dont tant rêve depuis la nuit des temps. Je navigue au-dessus des nuages, à quelques dizaines de milliers de pieds du sol sur lequel je ratteris avec difficulté, souvent en tombant et en me faisant très mal.

L'air là haut n'est à nul autre pareil. Il enivre plus que l'odeur du cou d'une fille, celle nichée juste sous l'oreille. La légereté ressentie est grisante, si l'on se débrouille bien et que l'on synchronise son battement d'ailes, on peut suivre le tapis de la nuit, et ne jamais la voir, sauf quelques mètres derrière soi, gentillement menacante. Belle comme un sourire. Belle comme un souvenir.

Les gens morts ne sont pas morts. Tant que l'on est soi-même vivant. Mon père me rectifie régulièrement ma démarche et mon frère ajuste mon regard au passage d'une beauté brune.

La Beauté Brune, l'ultime. Dangereuse, manichéenne. Rationnelle et trop spontanée. La connaître c'est l'apprécier. L'approcher c'est souffler sur le feu. La tenir c'est la perdre. Elle est sous son visage à chaque fois apaisé par le sommeil ma peinture préferée. Ses traits hypnotisent, ses ombres questionnent, ses courbes affolent.

La conduite à adopter change d'un claquement de ses doigts. Son clignement d'oeil et son sourire, les vibrations de ses joues, marquent comme mon meilleur mélange d'encres, celui de 2002. Son odeur hante mon esprit, ravivée par quelques notes de piano ou l'air frais d'une matinée d'hiver.

Petit, mon père faisait exprès d'accélerer à l'entrée des mini-tunnels du Grand Boulevard, au grand énervement de ma mère.
J'adorais, car mon coeur se soulevait comme jamais il ne s'est soulevé à nouveau. Ou trop rarement. Cette impression de réellement sentir son coeur vibrer en tant qu'élement physique, réel. Accélérant le débit de mon sang pour faire vivre chaque partie de mon corps, allégeant mon cerveau de tout le mal qui croit pouvoir y planter sa tente ad vitam eternam.

J'expire toutes mes expériences à travers un fat cap, et inspire dans mes habits l'odeur de la douceur maternelle.

Je jette de la couleur partout car j'ai trop vu de photos en noir et blanc immobiles.
J'écris mon autre nom avec science, pour que lui aussi s'imprime dans les cerveaux et traverse le temps, comme ces lettres dorées sur le marbre formant mon vrai nom.

De temps à autres la fatigue me tape sur l'épaule et me berne. Mais mes yeux ont vu tellement de belles images qu'ils hésitent à se fermer, apeurés d'en rater d'autres.

La vie est belle, surtout quand elle est dure, intransigeante, égoiste, arbitraire.
Les mots qui la racontent, eux, continuent de jouir discrètement de leur pouvoir intemporel et éternel.

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