mercredi 3 décembre 2008

La Belle Epoque

Le métro c’est trop
Episode 1
(A propos)Des pérégrinations diurnes

On, et par on j’entends ce cercle restreint d’activistes qui recherchent la nouveauté, qui défrichent et qui insufflent une poésie dans ce monde aseptisé par l’uniformisation, par ses chemins balisés, se demande assez fréquemment voir systématiquement ce que « les gens » pourraient avoir comme réactions et, éventuellement, comme réflexions, à la découverte de ce que l’on appellera ici « repérages ». Repérages qui consistent en une batterie de tests et mesures, observations quasi-scientifiques puisque celles-ci n’ont jamais fait l’objet d’une étude approfondie et d’une théorisation.

Utilisés dans tous les domaines : militaire, banditisme, terrorisme, étude de la faune et de la flore, et grosso-modo toute activité plus funky que la manutention et les trois 8 à l’usine, les repérages seront ici « exemplés » du graffiti. Caractérisé par une nature paradoxale, empreinte d’une légèreté toute puérile et d’une violence harcelante propre au monde dit adulte, l’activisme mural, le tag pour ne pas tergiverser puisque c’est ainsi qu’il est nommé par 99% de ses pratiquants, est réduit généralement de prime abord à une activité adolescente, et à une simple inscription sur un mur, un train ou un autre support.

Mais équivalent à la drague, aux préliminaires sexuels, ou à la vue du sang pour un requin, l’odeur d’une proie pour un prédateur, c’est bien ce qui précède l’acte d’écrire qui apporte le plus de sensations, ces moments qui font se sécréter l’adrénaline, montant lentement et intensément comme la jouissance sexuelle.

Les repérages sont donc ce qui doit permettre d’éliminer le maximum de risques, et de fournir le maximum de renseignements utiles à une meilleure appréhension du lieu de l’action et des éléments qui le définissent. Entrée et sortie, chemins d’accès et d’évacuation, plans B, degré de sécurité, passages à risques, et aussi nécessité d’outils divers pour perpétrer effractions, création de raccourcis ou autres artisanats.

L’exemple qui suit est le dernier en date et le plus représentatif.

J’ai récemment consacré quelques heures à tenter de déflorer un dépôt de métro lillois, encore, je le croyais, non-répertorié par les principaux acteurs du « mouv’ ». Le récit d’un ancien partenaire, qui avait passé quelques nuits avec ses collègues à tenter de percer tous les secrets de ce qu’il faut bien appeler un dédale avait été mon premier contact avec « le plan ». Il me décrivit dans les grandes lignes les portes et trappes d’accès et de communication, les plans datant des origines, et tout un tas d’éléments qui ne leur avaient cependant pas permis d’arriver face à leur but, un beau métro ronflant tranquillement dans son dépôt.
Je lui avais dis instantanément qu’ils avaient choisi la mauvaise trappe. Et une fois embarqués dans le mauvais chemin, il n’était pas étonnant qu’ils rentrent bredouilles.
« Moi j’sais par où il faut passer »

Puis quelques mois passèrent. J’apercevais fréquemment un métro ronronner aux abords du tunnel, et qui n’attendait qu’une intrusion pour l’aider à rentrer dans l’histoire du métro lillois. Tout ceci restait cependant à l’état de phantasme, de projet avorté, et même les nombreuses « enjohnnisations » d’un ou deux amis ne me motivaient pas à franchir le pas.
Et du jour au lendemain, démangé par l’envie de peindre un métro, comme cela m’arrive quatre-cinq fois dans l’année sans que j’assouvisse jamais ce désir, plus refroidi par la futilité de la chose que par les risques encourus, je me mis en tête d’en violer un. Violer car je voulais le traquer, aller le chercher, le sentir, le forcer. Je ne voulais pas céder à la facilité. Tant qu’à perdre des bombes à tagger un métro qui ne circulera pas, et donc à ne me satisfaire que d’une photo et des sensations de l’instant, autant monter la barre jusqu’à ce que l’on appelle le « next level ». Sachant que ce dépôt n’avait jamais été fait, j’étais déjà excité rien qu’à l’idée d’en approcher la structure, de fouler ses grilles de marche, d’en parcourir les tunnels, de caresser ses murs, sa peau, d’en respirer le parfum, cette odeur moite, chaude, qui à n’importe quel autre nez passerait pour puante mais que j’aimais tellement depuis ma première expérience « sextunnelle », et qui caractérise le métro lillois à cause de ses tunnels hermétiques.

Une grosse quinzaine d’allers-retours avec un collègue, qui m’auront par ailleurs permis de rentabiliser un peu mon ticket de transport à l’année, à observer le tunnel le nez collé au pare-brise avant comme un gosse ; « c’est moi qui conduit le métro ! »; zieutant avec attention les embranchements, les portes, les renfoncements, et n’importe quelle caractéristique architecturale qui pouvait nous aider à mieux comprendre ce carrefour de lignes. Après quoi l’on partit en surface continuer notre batterie de tests et analyses. On retint alors deux éléments : un puits de lumière, qui semblait être situé sous une trappe que nous avions volontairement abandonné car trop exposée et une grande grille noire imposante qui, et je le sentis tout de suite, me provoquerait en duel à un moment ou à un autre.

Calcul des distances(schéma 3.14)assez approximatif, étude des parallélismes et perpendicularités, bref petit précis de mathématiques géométriques urbaines, avec au programme angles et orientations des lignes.
Imaginez deux individus qui descendent dans une station avec les bras formant un angle correspondant aux lignes tracées en surface reliant les accès et qui tentent de les calquer dans la station en tenant compte des virages et couloirs de celle-ci pour les appliquer aux lignes. Ardu. Et bizarre. A la limite même du casting de Ca se discute. En surface, à l’air libre, deux choix s’offraient donc à nous. Une plaque, pas vraiment une trappe de métro comme on les connaît, et une porte à ras du sol. Les repérages de ces deux alternatives furent assez brefs, mais jouissifs à souhait. Situés en plein milieu d’un boulevard où une voiture sur cinq est un fourgon de C.R.S. ou une voiture banalisée de la police, il faut bien dire que la discrétion devait y être de mise. J’ai du feindre de poser une petite pisse environ la moitié du temps. Discrétion recommandée donc, d’autant plus qu’une fois le chemin privilégié choisi, la plaque aux gonds dessoudés qui donnaient sur un puits de 40 cm de diagonale et de 8 mètres de profondeur, on se rendit compte que l’unique moyen de descendre dans cette gorge profonde serait forcément « flag ».
Quand j’y repense la porte à ras du sol aurait certes été ouverte en un tour de main, avec l’aide du cousin serrurier d’un ami, mais il fallait prendre la serrure en photo, la lui transmettre et surtout attendre qu’il nous livre la méthode d’ouverture, qui n’excluait de plus pas l’échec, trop frustrant pour être envisagé.
Et attendre était alors impossible. Trop excité. J’essayais bien de l’ouvrir avec une petite lame de roulotteur trouvée à proximité(photo 3615) mais, même si je l ‘ai vu plus d’une fois à la télé, le mimétisme que j’appliquai à la tâche ne donna aucun résultat, il me manquait certainement ce petit coup de poignet anodin qui sépare Mac Gyver et consorts de vous et moi.

Une chose parmi les plus frissonnantes est que l’on ne savait pas vraiment où on atterrirait une fois en bas du puits. Les appels d’air énormes, sortes de gros pets pestilentiels qui jaillissaient et ponctuaient le passage d’une rame nous laissaient bien penser que le tunnel « voyageurs » ne devait pas être très loin mais le flou régnait quant à l’architecture du lieu.

On courut, enfin on passa la cinquième, jusque chez un pote chercher une échelle adéquate. Pensant que deux éléments de ce qui était à la base une échelle en trois parties nous suffiraient. Une fois les éléments assemblés par mes fameux « lacets », qui étaient une des solutions que j’avais trouvé pour pouvoir récupérer une échelle une fois ma traction accomplie en haut d’un mur(voir schéma B-52)(avec ma toute aussi fameuse échelle si pratique mais disparue que j’avais kidnappé et qui me manque terriblement aujourd’hui, là où tu es saches que je pense à toi souvent) on plongeât, car c’est bien le terme à utiliser ici, l’échelle dans le trou. Très symbolique(...)(voir schéma M-16) cette action était aussi visuellement dérangeante et hors-propos pour tout un chacun. Une sorte de plongeon à la perche, exécuté dans un style très grec, très olympique.

Particulièrement flagrante pour des personnes comme vous oui. Mais pour des ouvriers d’EDF avec leurs gilets fluos c’était tout à fait normal ! Car le gilet fluo est un allié de poids du repéreur en milieu urbain. A savoir. Un petit signe de la main à chaque passage d’un collègue, conducteur de bus, trains ou représentant d’un autre corps de métier porteur de fluo et le marchand de sable passe.

« Elle est trop courte ».
« Merde ».

Pas découragés pour un sou, on repartit chercher le troisième élément de l’échelle. Sauf qu’à notre retour le problème nous sauta vite aux yeux. La diagonale de la plaque n’accepterait pas la largeur de ce troisième élément, à l’image une fille effarouchée par un pénis hors-norme. « T’inquiète ». Hop, mise de travers ça passe et ça tient même tout seul ! Sauf que ça dépasse de un mètre au milieu du boulevard.
« Hum... ». Les pieds-nickelés, pas très sérieux pour des ouvriers EDF.
« T’inquiète j’descends pister ».
Ma carrure passait au millimètre près dans le « triangle »(un inconvénient de mon époque muscu que je n’avais pas appréhendé)et je descendis rapidement les échelons(une métaphore lourde de sens).
Enfin au cœur du sujet, une indescriptible sensation monta de mes pieds une fois sur le sol. A droite, à gauche, pas de caméra. Parfait. Pas de métros non plus. « Fuck ». Je check le moindre détail, j’ouvre une porte, une autre, encore une autre, grimpe quelques marches et cogne violemment à la porte qui jouxtait le puits pour faire peur à mon pote. Un petit moment de détente pour oublier les risques encourus, pour respirer profondément, ça permet d’éliminer les acides du stress.
Ensuite. Pas de caméras c’est une chose. Je me dirige vers les rames de stationnement du dépôt, je me rends compte que l’on est fortement « grillables » des métros. Puis je check cette grande porte-grille face à laquelle je savais que j’allais me retrouver tôt ou tard. A nous deux, l’heure est venue. Gong. J’allume mon portable pour m’en servir de lampe-torche, et j’observe cette porte et son système d’ouverture. Un cadenas c’est tout. Un petit cadenas de rien du tout. Ma poids-lourde à moi, « la pince Monseigneur » s’occupera de lui. « Million dollar baby » c’est elle. 800 kilos de pression(à l’image d’un Ivan Drago), des milliers de combats, autant de KO, aucune défaite. Pas le temps de squatter non plus retour à la surface, après une apnée jouissive.

Le soir même, action. On se gare un peu loin, et dans une rue juste avant le plan, on se fait griller d’entrée par le concierge d’un immeuble, le genre de mec à la dégaine vraiment louche, qui sentait le justicier à plein nez, qui puait le copain à flic, et qui sortait les poubelles à une heure du matin. « C’est mort ». On repasse par une autre rue, le concierge est encore là, nous regarde et enclenche une crise de parano collective marrante après-coup. Là c’était parti pour les scénarios farfelus, Hollywood au pays des taggueurs. On décide de rebrousse chemin. On s’imagine grillés, le plan mort, on repasse pour récupérer Million dollar baby, je crois apercevoir une tête à une fenêtre qui s’avérera le lendemain être un abat-jour(j’vous jure que la nuit on aurait dit une tête de flic, crâne rasé, planqué dans le coin à me mater). Le stress est au maximum, on passe même chez moi changer de voiture, je mets une chemise pour retourner chercher MDB et esquiver en cas de contrôle... La paranoïa à son stade ultime.

L’échelle resta là quelques jours, plantée comme un javelot. Je lui offrit un accordéon de chantier pour justifier sa présence et lui donner plus d’assise, plus de légitimité. Les jours passaient, sans jamais nous offrir de métro.

Je descendais une fois, puis deux, histoire de dire, et histoire de gagner du temps. Million dollar baby mit un terme à la vie morne du cadenas de la grille noire, d’un coup sec et froid. Remplacé par un cadenas dont nous avions les clés. Un truc de moins à descendre et à faire. Puis une troisième ou quatrième fois on en profita pour avancer dans ce tunnel, pour voir si oui ou non ce tunnel bis était un tunnel de délestage ou un accès à un dépôt. Car on avait réussi à avoir des renseignements très précis, et très crédibles puisque émanant de haut-placés de la régie, sur la structure du dépôt. Mais rien. Pas un rail qui bifurque vers un entrepôt, pas une échelle qui mène encore plus bas dans le plaisir. Juste deux voies vides, mortes.

« On remonte ». Fin des repérages, place à l’attente.



Episode 2
Les facteurs sonnent toujours trois fois.

Comme expliqué dans l’épisode 1 les repérages terminés, restait à guetter, à attendre. Attendre sans vraiment faire autre chose, sans peindre, trop impatients et omnibulés par ce plan pour redescendre la pression sur un plan pépère.
C’était ça ou rien. J’ai jamais aimé taggué pour tagguer. J’ai taggué pour les sensations, pour l’adrénaline, pas pour accumuler des photos de trains et m’enfermer dans un système et sa routine. Je ne vais pas reproduire un schéma social dans une activité asociale. Il me faut de l’exceptionnel, du vierge, du neuf, du jamais-vu. A chaque fois, jamais deux fois le même plan, jamais deux fois le même délire.

Dans un sens j’ai fait le tour du graffiti, malgré ma pucellerie trainiste et métroiste. Jamais vu le moindre intérêt de vider des bombes sur un train. Du moins à Lille et dans le Nord. J’ai longtemps pensé que c’était juste à cause des vidéos et des parisiens que les mecs peignent des trains par ici. Pour 95% d’entre eux. Le train n’est pas partie intégrante de l’espace urbain comme il l’est à Paris. Paris c’est grand, c’est Paris même plus ses banlieues. Les RER sont une cible « légitime » parce qu’il sont empruntés quotidiennement par les mecs qui les défoncent.
Ici il faut bouger. C’est toi qui va à la pièce pas la pièce qui vient à toi, qui t’explose à la gueule. Du coup comme c’est toi qui la cherche c’est toi qui la domine. Et le charme n’existe plus. Pas de surprise, pas de claque. Et alors je ne parle pas du fait que les mecs changent de nom à chaque train. Le tag c’est pas ça merde ! T’as un nom, t’en es fier, tu l’assumes, tu le poses comme « tu poses tes couilles sur la table », eh ben là c’est pose tes couilles sur le train, pose tes couilles sur le métro. Après c’est pas assumer les risques. C’est « j’me suis fait arrêter pour c’nom là mais j’avais fait cent quatorze trains avec tel et tel autres nananère j’les ai bien eu ». Nan nan si tu t’es fais sauter tu t’es fais sauter tu peux pas t’en vanter. C’est comme se vanter d’être allé en prison. Se vanter d’être mauvais. J’préfère voir dix trains d’un mec qui change pas de nom que cent trains d’un mec qui change à chaque fois.

Bref on attendait. Sans vider notre juice et nos bombes. On amassait grave d’ailleurs. Du juice et des bombes. J’demandais à mon pote d’aller vérifier si l’échelle était toujours là où on l’avait caché. Ca faisait quand même presque une semaine. Mon pote me rappelle et me dit qu’il a regardé vite fait sans la trouver. J’y vais avec lui on ratisse grave le coin de la cachette. Envolée. Enfin envolée, volée plutôt, sûrement par des gitans vu le coin paumé où elle dormait, ou des toxicos, vu le nombre de seringues croisées, qui ont du être contents sachant qu’ils allaient la revendre. « Ma dose et vite ». Pour rajouter une couche à notre dégoût, comme par hasard, le dépôt déborde. Pour la première fois en plusieurs semaines. Au moins quatre métros plus peut-être d’autres derrière. Et juste au bord, devant la grille, devant notre grille. Genre le plan velours. Mais vas trouver une échelle de neuf mètres en une heure.

On se rabat sur la petite porte à côté du puits, tentant de l’ouvrir, sans succès. Un cousin de Million dollar baby, Pied d’biche pourrait nous donner un sacré coup de main. Encore faut-il le trouver. Coup d’fil, c’est bon dans une heure on passe le prendre. On revient, caché dans un sac de surgelés Pied d’biche est discret. Hop je le fais coulisser le long de la fente, je remonte vers la serrure, je glisse il me faut un autre truc pour bloquer. On repart chercher un tournevis dans la voiture. Mon pote, un autre ce jour là, bloque la porte avec, je saque, ça glisse, je sors, je rerentre, et là sans forcer, comme une fille qui se fait violer depuis dix minutes et qui n’a plus de force, la serrure lâche prise et tombe tout doucement, presque joliment, sans laisser une trace d’effraction. Et en nous permettant de laisser la porte contre sans que l’on puisse s’apercevoir de quoique ce soit. Alors là c’est l’implosion. Dans nos têtes on est déjà sur le métro en train de tracer. On repart en sautillant comme des gosses chercher les bombes et le dernier compère. Ah ouais j’y pense j’ai encore bien du pisser huit fois, pour du vrai, à force de venir et revenir sur ce plan.

On descend et là en bas des marches la porte que j’avais ouverte dans l’autre sens nous fait face sans poignées...Putain j’avais pas fait gaffe quand j’étais passé par-là l’autre fois. J’aurais pu être enfermé entre deux portes comme un connard. On retourne chercher le pied d’biche et là c’est parti pour la session effraction flagrante, bruyante au possible. Les portes glissent, pas de prises, on saque dedans au pied, ça pète dans tous les sens, et là boom. Le pied d’biche glisse et provoque un bruit tellement fort qu’on se dit que là on est grillé des deux bouts de la ligne. Ils vont croire à une bombe. On reste. A force de taper dedans et de tirer comme des dératés, comme des morts de faim, on arrive à l’ouvrir. Mon pote remonte planquer le pied d’biche. J’avance en éclaireur et refait face à une autre porte à sens unique. On est plus à un chef d’accusation prêt donc redonne-moi le pied d’biche je vais continuer sur ma lancée en plus j’commence à maîtriser le forçage de porte. Sur celle-là je galère encore plus. Mais on force dans tous les sens. Une fois qu’elle lâche j’aperçois juste derrière quelque chose alors qu’il est sensé ne rien avoir.
Une machine de guerre. A l’endroit même où l’on atterrissait avec l’échelle. Une de ces grosses machines pour travailler sur les rails, sans carrosserie et qui ressemble à une machine de film fantastique des années trente. Je recule, respire et direct je fais le rapprochement, tout s’enchaîne dans ma tête, s’il y une machine là c’est qu’elle est rentrée par la grille, c’est donc qu’ils ont pisté notre cadenas. Et donc peut-être notre intrusion. J’préfère me dire qu’ils ont cherché pendant des heures qui avait les clés de ce cadenas, se rejetant la faute entre collègues, appelant tous les services pour dénouer cette histoire : « allô Jean-Pierre c’est Michel, bordel elle est où la clé 412 ? ». C’est hautement plausible connaissant un peu le monde de l’entreprise et au passage ça rassure les potes. Les même potes qui me disent qu’il n’y a pas de métro. « Quoi ?!? ». Je les pousse et j’en vois un direct, en un quart de seconde, la bave aux lèvres, un métro nouveau modèle au fond, un peu éloigné, éteint et presque invisible.

Toujours est-il qu’il faut retourner chercher Million dollar baby à l’autre bout de la ville. On repart, on passe prendre un pote au passage pour filmer et pister. Et pour mettre des droites si ça chauffe. On descend pour la énième fois, prêts à en découdre avec tout ce qui se présente. Ouvriers, sécurité, police, on a fait nos lacets et on est armé, moi prêt à gueuler en chargeant et en faisant tournoyer la pince au-dessus de ma tête pour faire flipper tout le monde. On avance, pousse ce qu’il reste des portes, c’est-à-dire pas grand chose, on coupe le cadenas, et on court jusqu’à ce métro qu’on attendait depuis trois semaines. Vraiment un peu loin par rapport à l’entrée mais proche de l’autre sortie. Et grillé à mort par deux caméras. « Ni**e sa mère, i’a beau être 19 heures 30 on va l’chicote ». On saute dessus comme des hyènes, on commence à peindre, et là, à peine notre première lettre remplie, le métro s’allume, et une voix nous informe que « Vous êtes vus, la police va arriver(...) ». Forcément on stresse un peu, on hésite, parce qu’en dix minutes on peut plier les pièces mais en même temps on est dans un quartier où on peut vite être encerclé par la moitié des effectifs de police de la ville. On décide de se barrer par l’issue de rechange. On court à un rythme de footing. Tranquille. On regrette déjà de ne pas être resté pour finir. On se planque, on attend à deux que les deux autres aillent chercher la voiture. Vingt minutes passent. Mes potes me disent qu’ils sont passé devant l’entrée. Rien, pas de débarquement, pas une voiture, pas d’affolement, rien.

On repassera. Sans sonner.

Aucun commentaire: